Février à Rome

 

            
           

J’ai visité Rome sous une étrange narcose. Un état modifié de l’esprit, un état de connaissance luciferique probablement à cause de la couleur qui venait de partout. Rome est de couleur des vieux livres d’antiquaire. On la traverse en écoutant des chansons d’orgue de barbarie. Une terre qui inspire. Mon cristallin habitué à regarder quelques 40 heures par jour l’écran d’un ordinateur, avait oublié l’espace, l’air, le vol, les trois dimensions de la vie, la hauteur. Colonnes, portails, balcons, grilles, statues, balustrades, escaliers, arcs, voûtes, charpentes, contreforts, baies, embrasures, vasques, bassins, fontaines, puits … Dimensions diverses, vertige permanent, gravitation manquante…

            
        
A Rome il y a la grande histoire, le grand art, la grande création. Et puis il y a l’histoire, l’art et la création de tout les instants de vie, sur les murs, dans les ruelles, sur les collines, derrière chaque fenêtre.
            
        
Et tout d’un coup je n’ai plus compris les Italiens. Comment peuvent-ils mener une vie normale, poursuivre leur métabolisme, avoir des réflexions matérielles, avancer dans la rue, compter l’argent, faire à manger, mettre de l’essence dans leurs bagnoles, passer à coté de la beauté magistrale des lieux? Ils sont au Paradis. J’aurais le souffle coupé tous les jours, je ne survivrais pas à Rome.
            
            
Dans le Forum romain c’est le moment où on sort de son corps, on rallonge les colonnades et les arcs, on traîne parmi les morceaux de temples et de tribunes, on monte aux rostres pour prendre la place du Cicérone, on effleure le blanc vêtement des vestales, on monte aux autels des temples, on prend sa toge et on s’assoit au Sénat ou bien on descend parmi les avocats, plaideurs, prêtres et marchands. On respire le temps, on le serre dans la main et on le met dans la poche.
            
        
Et dire que nous, les roumains, appartenons à cette culture. Et dire et hurler au monde qu’on vient de cette civilisation. Et s’agripper à la beauté pour en faire le drapeau et la plaider dans les programmes politiques. Pas un Tepes, mais un Médicis qu’on veut ressusciter!
        
               
C’était comme si je voyageais dans une autre galaxie. Sidérée par la surprise. 

Et les orangers! Impression qu’Adam ou Eve surgirait, des elfes et nymphes viendraient pour la création de ce nouveau monde sur ma rétine…
Mais l’enfer et le paradis ne sont jamais très éloignés. Le fil au long des murs du Vatican mesuré en quelques 3h pour entrer à la Chapelle Sixtine.
C’aurait été sans doute le syndrome du Stendhal, sensation qu’on peut mourir d’art si quelques réflexions sur le rose dominant de la fresque ne m’auraient pas réveillé à la lucidité analytique. Faute à Irving Stone.
Après avoir vu la Chapelle Sixtine on ne peut plus rien regarder. En sortant du musée de Vatican j’avais l’impression que mon esprit vole toujours quelque part au dessus de la foule, peut-être dans l’arbre d’au dessus. J’y suis restée accrochée un bon moment.
Le temps qui fait sa loi. L’humain éphémère. Rome m’a appris à tout relativiser et à mourir un peu. Au risque de me répéter, Rome reste toujours un pèlerinage nécessaire … (A.L.)

 

L'association Printemps Roumain est une association culturelle qui se propose de contribuer à une meilleure connaissance réciproque des cultures roumaine et française, en jouant le rôle d'interface entre les deux sociétés.